Un phénomène bien connu mais encore mystérieux
Depuis plus de cinquante ans, il est établi que l'infection virale altère le métabolisme des cellules hôtes. Cependant, les détails des mécanismes et des conséquences de cette reprogrammation métabolique n'ont été explorés en profondeur que récemment. Les virus exploitent les ressources des cellules hôtes pour produire les composants nécessaires à leur réplication, ce qui déclenche souvent des changements métaboliques similaires à ceux observés dans les cellules cancéreuses.
Reprogrammation métabolique induite par les virus
Lorsque les virus infectent une cellule, ils provoquent une reprogrammation métabolique qui favorise leur réplication. Cela inclut généralement une augmentation de la consommation de nutriments clés et une activation des voies métaboliques favorisant la croissance cellulaire. Par exemple, de nombreux virus augmentent le métabolisme glycolytique, qui est une voie métabolique qui permet de produire de l'énergie rapidement, même en présence d'oxygène.
Le cas de l'adénovirus
L'adénovirus, un virus à ADN, est connu pour induire une augmentation de la glycolyse dans les cellules humaines. Des études récentes montrent que l'infection par l'adénovirus 5 entraîne une consommation accrue de glucose et une production de lactate. Ces changements sont en partie causés par une protéine virale qui interagit avec des facteurs cellulaires, favorisant ainsi la transcription des enzymes nécessaires à cette glycolyse accrue.
Les herpèsvirus et leur impact métabolique
Les virus de la famille des herpès, comme le virus de l'herpès simplex (HSV), modifient également le métabolisme des cellules qu'ils infectent. Par exemple, l'infection par HSV-1 entraîne une augmentation de la consommation de glucose et de lactate, ainsi qu'une élévation des voies de synthèse des nucléotides, essentiels pour la réplication virale.
Les virus oncogènes et leur influence sur le cancer
Environ 10 % des nouveaux cas de cancer dans le monde sont attribuables à des virus oncogènes. Ces virus peuvent manipuler le métabolisme cellulaire de manière à favoriser la transformation maligne. Par exemple, le virus du papillome humain (HPV) est connu pour augmenter l'expression de certaines protéines qui favorisent la glycolyse, un processus crucial pour la croissance des tumeurs.
Le virus de l'hépatite B
Le virus de l'hépatite B (HBV) modifie également le métabolisme des cellules hépatiques. Des études ont montré que l'infection par HBV entraîne une augmentation de la synthèse des acides gras et des perturbations dans le métabolisme du glucose, ce qui peut contribuer au développement du cancer du foie.
Le virus Epstein-Barr
Le virus Epstein-Barr (EBV) est associé à plusieurs types de cancers, dont le lymphome. L'infection par EBV favorise également la glycolyse et modifie le métabolisme lipidique, ce qui peut jouer un rôle dans la survie des cellules cancéreuses.
Vers de nouvelles perspectives de recherche
Malgré les avancées réalisées, de nombreuses questions demeurent sur les mécanismes précis par lesquels les virus modifient le métabolisme cellulaire. Par exemple, bien que de nombreux virus aient été étudiés in vitro, il est essentiel d’explorer les effets de ces infections dans des modèles in vivo, où les conditions métaboliques sont différentes.
Il est également crucial de comprendre comment les changements métaboliques induits par les virus peuvent contribuer à l'oncogenèse. Cela pourrait révéler de nouvelles cibles thérapeutiques, notamment en utilisant les virus comme outils pour identifier des voies métaboliques critiques dans le cancer.
Pourquoi cette recherche compte pour nous ?
Comprendre comment les virus manipulent le métabolisme cellulaire peut avoir des implications significatives pour la santé publique. En identifiant les voies métaboliques que les virus exploitent, nous pourrions développer des thérapies antivirales plus efficaces et des traitements contre le cancer qui ciblent ces mêmes voies. Cette recherche a le potentiel non seulement d'améliorer notre compréhension des infections virales et de leur lien avec le cancer, mais aussi d'offrir de nouvelles stratégies pour lutter contre ces maladies dévastatrices.
Publication scientifique originale
Titre : Viral hijacking of cellular metabolism.
Année : 2019
Licence : http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/